La situation des mangroves dans le monde reste préoccupante malgré la prise de conscience de leur rôle dans le maintien de la biodiversité côtière. Les pratiques non durables de l’aquaculture extensive sont toujours majoritairement mises en cause. Le besoin d’une meilleure gestion côtière se fait sentir depuis une vingtaine d’années. Il faut reconnaitre que les avancées restent insuffisantes, particulièrement en Indonésie. Ce travail de thèse a été réalisé dans le cadre du projet INDESO. Ses objectifs étaient de décrire les changements dans les mangroves en termes de superficie, de structuration ou de composition spécifique afin d’étudier, à fine échelle spatiale, la diversité des peuplements de palétuviers, leur capacité de régénération et les tendances d’évolution de l’écosystème. Pour cela, j’ai utilisé 28 images satellitaires de télédétection optique à très haute résolution spatiale (THRS) acquises dans la période de 2001 à 2015 sur deux sites d’étude, Bali, Indonésie. J’ai participé aux inventaires forestiers et à l’identification des espèces de palétuviers du stade plantule au stade adulte. J’ai procédé par analyse visuelle des images pour différencier les plantations de palétuviers des forêts naturelles. J’ai examiné les différences entre les signatures spectrales des différentes formations de palétuviers en fonction des configurations angulaires. J’ai réalisé sur chaque image une classification supervisée qui m’a permis de comptabiliser avec une précision de quelques mètres carrés la superficie occupée par les mangroves et d’évaluer la robustesse d’une cartographie à fine échelle de zonations de mangroves.Les résultats obtenus sur l’estuaire du Perancak dégradé par l’aquaculture montrent que la surface de mangrove augmente après 2001 mais que les pratiques de plantations dans cette région n’ont rien à voir avec la réhabilitation de mangroves. Des différences majeures entre plantations et forêts naturelles existent. Ces plantations sont des cultures à très forte densité de Rhizophora, alors que les faciès naturels sont dominés par Avicennia et Sonneratia. Nos résultats montrent que la capacité de régénération dans ces plantations reste très inférieure à celle observée dans les forêts naturelles et que, si régénération il y a, c’est avec des plantules des espèces natives. A partir de l’analyse des imges, nous avons identifié les 136 bassins qui ont fait l’objet de plantations et donné l’année du semis. Le suivi de l’évolution du nombre de pixels classés ‘mangrove’ à l’intérieur de chaque bassin planté montre une grande variabilité des taux d’expansion sur 14 ans, ceci suggérant des conditions environnementales spécifiques à chaque bassin et donc l’inconséquence des pratiques généralisées de plantations à Rhizophora. Enfin, les capacités de colonisation des espèces natives y compris à l’intérieur de certains bassins semblent avérées dans cet estuaire pourtant très fragmenté. Les résultats obtenus sur les mangroves protégées de la région de Nusa Lembongan montrent le potentiel des images multi-spectrales satellitaires THRS pour cartographier différentes zonations de mangroves. Ce potentiel de discrimination est observé assez stable au cours du temps entre 4 espèces. Toutefois, des configurations angulaires avec un soleil de face ou un angle de visée proche de la verticale pourraient générer de la confusion notamment sur les peuplements à canopée ouverte. Nous avons obtenu probablement les premières cartes de mangrove de Nusa Lembongan qui montrent la complexité des zonations forestières et soutiennent l’enjeu de leur protection.L’ensemble de mon travail plaide pour une meilleure interprétation physique de la variabilité des signatures spectrales et texturales de mangrove. Il fournit des recommandations comme la nécessité d’un moratoire sur les monocultures à Rhizophora et des méthodes simples, embryons de futurs observatoires locaux pour l’évaluation et le suivi des plans de gestion côtière mis en place.